Par Tom Laurent /artAbsolument/ N°97 juillet-septembre 2021
«Je laisse le travail me guider», affirme très vite Ernesto Riveiro lorsqu'on le questionne sur le choix de tel ou tel outil. Réponse qui pourrait faire écho à une autre interrogation au long cours - « quoi peindre ? comment peindre ?» -, question qui hante les peintres d'après les avant-gardes mais affirme surtout un désir de continuer à peindre. Dans les années 1980, Ernesto Riveiro délaisse progressivement scènes et portraits qui occupent encore son temps à l'atelier - et dont il a depuis détruit la plupart -, y voyant une source narrative dans laquelle il ne se retrouve plus. Évacuant la figure, ce n'est pas tant l'abstraction qu'il embrasse qu'un questionnement par la négative du tableau, et plus encore de la volonté à l'oeuvre dans la conduite de la peinture. « Une absence de projet», explicite-t-il, qui passe par une absence de motif - celui de Cézanne disant peindre « sur le motif » autant que celui propre à servir de mobile à l'action de peindre. Car dans la réflexion qui l'anime alors, c'est à sortir d'une histoire de la peinture qu'il aspire, pour ouvrir celle de la sienne. Aspiration que ne dément ni son indifférence à l'égard des recherches de Supports/Surfaces (dont les tenants sont en pleine activité à son arrivée à Paris d'Argentine en 1972), ni son regard sur le travail de plusieurs peintres avec lesquels il a pu être en affinité - Damien Cabanes, Paul Pagk, Carlos Kusnir ou le Coréen Hyun-Soo Choi : « un excellent peintre » pour lui, « qui a basculé dans autre chose qui n'était plus la peinture, mais le champ des idées». Aspiration qu'il explicite rétrospectivement ainsi : « Il y avait un jeu vidéo auquel je jouais dans Les années 1980, qui s'appelait Asteroids . Dans le mode normal, on devait détruire des astéroïdes qui finissaient par remplir l'écran. Mais lorsqu'on appuyait sur un petit bouton, on passait dans un mode alternatif, l'hyperespace, qui changeait totalement la configuration du jeu. C'était ce mode que je voulais activer pour ma peinture. » Aspiration à une peinture qui s'inscrirait donc en dehors de toute référence à l'histoire - que ce soit le récit moderniste ou une représentation -, mais laquelle?
Diptyques et fournées
Dans le tâtonnement qui l'occupe alors, Riveiro s'essaie à toutes sortes de moyens. Il recouvre ses supports d'acide ou de cire, y travaille par calcinations, les entaille, l'amenant à délaisser la toile pour des panneaux de bois, plus rigides. Puis, ayant accepté de récupérer un vaste lot de planches dont un menuisier voulait se débarrasser, il organise la préparation de son travail en conséquence. Transformant ce stock en supports par groupe de vingt ou trente pour les peindre l'un après l'autre, il se rend à l'envie d'assembler les panneaux peints individuellement en diptyques, réalisant leur appairage dans un temps autonome à celui de la peinture. « Pour désigner un ensemble de diptyques assemblés au même moment, j'aime parler de fournée, car avec le four, que ce soit pour la céramique ou le pain, il y a toujours des surprises, on échappe à l'homogénéité et à la reproduction.» Rétif à l'idée de série - qui désigne une volonté d'ordre industriel pour lui - ou de variation, Ernesto Riveiro trouve dans cette séparation entre le moment de la peinture et celui de l'assemblage une parade à l'intention qu'il associe au tableau et son corollaire, la possibilité d'être pleinement disponible à son ouvrage de peintre. Un diptyque comme le véhicule d'un court-circuit, hors de rapport avec le polyptique religieux ou sculptural, du diptyque comme projet. Tranchant avec les feux follets de ses peintures les plus récentes, celles qu'il assemble à partir de 1987 - année qui s'est imposée en conséquence comme butoir rétrospectif pour son exposition à l'ahah, Kerguéhennec réunissant des oeuvres récentes exclusivement - ont le caractère sourd des matières « alchimiques » qu'il y applique, auxquelles s'ajoute bientôt la caséine, technique antique basée sur une protéine de lait, et le retour avec celle-ci de la toile, marouflée par morceaux sur le support. Constellées de matière en coalescence, en-deçà du travail de la ligne et de la couleur qui l'appelleront plus tard, c'est à leur support que se remet largement Ernesto Riveiro, et à ce jeu de magnétisme et d'opposition que lui ouvre l'assemblage. Souvent accidentés, ces panneaux de bois et leurs veinages - dont les cautérisations rejouent les textures - lui suggèrent des motifs élémentaires. Lignes et formes possiblement identifiables dans la lecture du bois brut trouvent une reprise dans des points, ronds ou triangles abrégés par le peintre. Vers 1997-98, ces signes sommaires se fortifient en écriture plus serpentine, offrant des peintures où se chevauchent plusieurs manières, un parti largement exacerbé dans ses peintures récentes. Interrogé sur le caractère «orphelin » d'un diptyque où un motif évoquant un têtard ou une méduse se répète et essaime comme dans un bassin - s'associant dans notre esprit à la pensée d'une « peinture comme milieu » proposée par Henry Maldiney, convoquée par Olivier Delavallade à propos du travail de Riveiro -, le peintre rappelle ses propres fondamentaux. « Cela arrive souvent, car l'absence de projet empêche ta déclinaison, met la peinture dans une situation d'instantanéité», dit-il, rappelant cette volonté souveraine de présence et de disponibilité, dont l'aveu a pu aussi être formulé sans fard par un autre peintre relativement discret, François Dilasser : «Je crayonne sans penser à rien, j'essaie de laisser ma main libre.»
Une multitude d'éboulis
Souvent ramené à une expression directe de la pensée sur la feuille, le dessin chez Riveiro revêt d'autres enjeux. L'ayant mis de côté en quittant la figure, il en reprend la pratique en 2004 et par la main gauche - jugeant sa main droite susceptible d'être «trop mécanique dans sa direction» -, retrouvant en même temps l'espace unitaire mis en berne par le diptyque. Et si elle était laissée à L'état anté-liminaire dans ses travaux des années 1990, la ligne y apparaît profuse, vibrante sans arrêt, surpassant sa définition en motifs, concomitante d'une somme d'actions que résume avec justesse l'artiste Eduardo Stupia, l'un des commentateurs argentins de son oeuvre, en parlant de « turbulence sémantique ». Initié lors d'un moment de désoeuvrement — il passe alors un mois à Vigo, en Galice, un peu esseulé en attendant l'ouverture d'une exposition —, ce retour au dessin n'écarte pas pour autant l'expérience du diptyque. Comparable à des topographies où un répertoire de lignes au pluriel superposerait leurs échelles comme leurs humeurs ou à des tissages de figures indéterminées, Ernesto Riveiro tente d'y ramener au sein d'une même surface les possibilités de flottement, voire le caractère heurté, qu'induit l'assemblage. Allant jusqu'à ne pas s'interdire un dialogue, court mais direct, avec d'autres peintres - des petits formats de 2005 ouvrant paradoxalement au monumental, portant d'une écriture maladroite les mentions «Van Gohg desinant le paisage », «Le semeur d'après Van Gogh qui l'a fait d'après Millet» ou «Malevicht peignant dans l'extérieur» -, le travail par soustraction de la fin des années 1980 semble alors s'inverser. Accumulant amorces de figures soufflées, géométries malmenées, trames et percées dans ses dessins - que montre un étonnant cabinet graphique à l'ahah Riveiro y laisse aussi advenir la couleur, dont le large éventail de variétés rejoint celui des lignes. Abandonnant progressivement le diptyque à partir de 2007, cette explosion d'options prises et recouvertes se retrouve sur la toile, où semble fortuitement advenir le grotesque d'une figure compacte (dans une huile carrée de 2010 par exemple) que contredirait presque immédiatement l'impression d'une dense pluie de signes colorés en lévitation (tracés à l'acrylique l'année d'après). Les années qui suivent le voient ajouter à ses déjà nombreux moyens la bombe aérosol, la cire ou la peinture au marqueur, chacun ouvrant à de multiples actions, à l'instar de l'aérosol dont il dévie l'usage «classique » en le perçant ou en creusant des sillons dessinant dans la couleur par la projection d'air comprimé. Affirmant « faire tenir la peinture comme une multitude de phénomènes », Ernesto Riveiro, au-delà des multiples combinaisons de ces actions, se laisse guider par leur plasticité pour les mener à l'échelle qu'elle lui dicte, mettant en crise la composition. « Certaines actions impliquent de s'occuper de petites surfaces qui fonctionnent comme des trous ou des foyers d'énergies. On le voit dans certaines toiles de Fontana, qui sont des monochromes, mais dans lesquelles une toute petite incision a une importance terrible.» L'exposition à Kerguéhennec consacrée à sa peinture récente, qu'Olivier Delavallade, le directeur du lieu, désigne comme «tohu-bohu», c'est-à-dire d'avant le récit de la Genèse autant que pré-génétique, permet sans doute de s'approcher au mieux de la tectonique picturale qui s'y fait jour. Car dans le chevauchement heurté des pans de couleur, dans la superposition des tracés ou traînées, se joue finalement une partition organique, minant l'unité du tableau mais appelant aussi un regard peut-être plus physique, qu'une vue de détail saisit bien. Dans plusieurs oeuvres de 2020, un geste de soustraction par raclage d'une couche en surface ne vient pas effacer cette dernière mais la redoubler, par l'apparition de la peinture sous-jacente. Comme si une pluralité inconciliable de peintures se mêlait. Comparant son action à celle d'un termite - qui «agit sur des territoires extrêmement petits et à un moment donné contamine tout l'immeuble » -, c'est au final des tableaux-éboulis que produit Ernesto Riveiro. « La peinture concerne le voir mais aussi l'aveuglement », confie-t-il dans un entretien avec Philippe Cyroulnik.
Par Tom Laurent /artAbsolument/ N°97 juillet-septembre 2021
«Je laisse le travail me guider», affirme très vite Ernesto Riveiro lorsqu'on le questionne sur le choix de tel ou tel outil. Réponse qui pourrait faire écho à une autre interrogation au long cours - « quoi peindre ? comment peindre ?» -, question qui hante les peintres d'après les avant-gardes mais affirme surtout un désir de continuer à peindre. Dans les années 1980, Ernesto Riveiro délaisse progressivement scènes et portraits qui occupent encore son temps à l'atelier - et dont il a depuis détruit la plupart -, y voyant une source narrative dans laquelle il ne se retrouve plus. Évacuant la figure, ce n'est pas tant l'abstraction qu'il embrasse qu'un questionnement par la négative du tableau, et plus encore de la volonté à l'oeuvre dans la conduite de la peinture. « Une absence de projet», explicite-t-il, qui passe par une absence de motif - celui de Cézanne disant peindre « sur le motif » autant que celui propre à servir de mobile à l'action de peindre. Car dans la réflexion qui l'anime alors, c'est à sortir d'une histoire de la peinture qu'il aspire, pour ouvrir celle de la sienne. Aspiration que ne dément ni son indifférence à l'égard des recherches de Supports/Surfaces (dont les tenants sont en pleine activité à son arrivée à Paris d'Argentine en 1972), ni son regard sur le travail de plusieurs peintres avec lesquels il a pu être en affinité - Damien Cabanes, Paul Pagk, Carlos Kusnir ou le Coréen Hyun-Soo Choi : « un excellent peintre » pour lui, « qui a basculé dans autre chose qui n'était plus la peinture, mais le champ des idées». Aspiration qu'il explicite rétrospectivement ainsi : « Il y avait un jeu vidéo auquel je jouais dans Les années 1980, qui s'appelait Asteroids . Dans le mode normal, on devait détruire des astéroïdes qui finissaient par remplir l'écran. Mais lorsqu'on appuyait sur un petit bouton, on passait dans un mode alternatif, l'hyperespace, qui changeait totalement la configuration du jeu. C'était ce mode que je voulais activer pour ma peinture. » Aspiration à une peinture qui s'inscrirait donc en dehors de toute référence à l'histoire - que ce soit le récit moderniste ou une représentation -, mais laquelle?
Diptyques et fournées
Dans le tâtonnement qui l'occupe alors, Riveiro s'essaie à toutes sortes de moyens. Il recouvre ses supports d'acide ou de cire, y travaille par calcinations, les entaille, l'amenant à délaisser la toile pour des panneaux de bois, plus rigides. Puis, ayant accepté de récupérer un vaste lot de planches dont un menuisier voulait se débarrasser, il organise la préparation de son travail en conséquence. Transformant ce stock en supports par groupe de vingt ou trente pour les peindre l'un après l'autre, il se rend à l'envie d'assembler les panneaux peints individuellement en diptyques, réalisant leur appairage dans un temps autonome à celui de la peinture. « Pour désigner un ensemble de diptyques assemblés au même moment, j'aime parler de fournée, car avec le four, que ce soit pour la céramique ou le pain, il y a toujours des surprises, on échappe à l'homogénéité et à la reproduction.» Rétif à l'idée de série - qui désigne une volonté d'ordre industriel pour lui - ou de variation, Ernesto Riveiro trouve dans cette séparation entre le moment de la peinture et celui de l'assemblage une parade à l'intention qu'il associe au tableau et son corollaire, la possibilité d'être pleinement disponible à son ouvrage de peintre. Un diptyque comme le véhicule d'un court-circuit, hors de rapport avec le polyptique religieux ou sculptural, du diptyque comme projet. Tranchant avec les feux follets de ses peintures les plus récentes, celles qu'il assemble à partir de 1987 - année qui s'est imposée en conséquence comme butoir rétrospectif pour son exposition à l'ahah, Kerguéhennec réunissant des oeuvres récentes exclusivement - ont le caractère sourd des matières « alchimiques » qu'il y applique, auxquelles s'ajoute bientôt la caséine, technique antique basée sur une protéine de lait, et le retour avec celle-ci de la toile, marouflée par morceaux sur le support. Constellées de matière en coalescence, en-deçà du travail de la ligne et de la couleur qui l'appelleront plus tard, c'est à leur support que se remet largement Ernesto Riveiro, et à ce jeu de magnétisme et d'opposition que lui ouvre l'assemblage. Souvent accidentés, ces panneaux de bois et leurs veinages - dont les cautérisations rejouent les textures - lui suggèrent des motifs élémentaires. Lignes et formes possiblement identifiables dans la lecture du bois brut trouvent une reprise dans des points, ronds ou triangles abrégés par le peintre. Vers 1997-98, ces signes sommaires se fortifient en écriture plus serpentine, offrant des peintures où se chevauchent plusieurs manières, un parti largement exacerbé dans ses peintures récentes. Interrogé sur le caractère «orphelin » d'un diptyque où un motif évoquant un têtard ou une méduse se répète et essaime comme dans un bassin - s'associant dans notre esprit à la pensée d'une « peinture comme milieu » proposée par Henry Maldiney, convoquée par Olivier Delavallade à propos du travail de Riveiro -, le peintre rappelle ses propres fondamentaux. « Cela arrive souvent, car l'absence de projet empêche ta déclinaison, met la peinture dans une situation d'instantanéité», dit-il, rappelant cette volonté souveraine de présence et de disponibilité, dont l'aveu a pu aussi être formulé sans fard par un autre peintre relativement discret, François Dilasser : «Je crayonne sans penser à rien, j'essaie de laisser ma main libre.»
Une multitude d'éboulis
Souvent ramené à une expression directe de la pensée sur la feuille, le dessin chez Riveiro revêt d'autres enjeux. L'ayant mis de côté en quittant la figure, il en reprend la pratique en 2004 et par la main gauche - jugeant sa main droite susceptible d'être «trop mécanique dans sa direction» -, retrouvant en même temps l'espace unitaire mis en berne par le diptyque. Et si elle était laissée à L'état anté-liminaire dans ses travaux des années 1990, la ligne y apparaît profuse, vibrante sans arrêt, surpassant sa définition en motifs, concomitante d'une somme d'actions que résume avec justesse l'artiste Eduardo Stupia, l'un des commentateurs argentins de son oeuvre, en parlant de « turbulence sémantique ». Initié lors d'un moment de désoeuvrement — il passe alors un mois à Vigo, en Galice, un peu esseulé en attendant l'ouverture d'une exposition —, ce retour au dessin n'écarte pas pour autant l'expérience du diptyque. Comparable à des topographies où un répertoire de lignes au pluriel superposerait leurs échelles comme leurs humeurs ou à des tissages de figures indéterminées, Ernesto Riveiro tente d'y ramener au sein d'une même surface les possibilités de flottement, voire le caractère heurté, qu'induit l'assemblage. Allant jusqu'à ne pas s'interdire un dialogue, court mais direct, avec d'autres peintres - des petits formats de 2005 ouvrant paradoxalement au monumental, portant d'une écriture maladroite les mentions «Van Gohg desinant le paisage », «Le semeur d'après Van Gogh qui l'a fait d'après Millet» ou «Malevicht peignant dans l'extérieur» -, le travail par soustraction de la fin des années 1980 semble alors s'inverser. Accumulant amorces de figures soufflées, géométries malmenées, trames et percées dans ses dessins - que montre un étonnant cabinet graphique à l'ahah Riveiro y laisse aussi advenir la couleur, dont le large éventail de variétés rejoint celui des lignes. Abandonnant progressivement le diptyque à partir de 2007, cette explosion d'options prises et recouvertes se retrouve sur la toile, où semble fortuitement advenir le grotesque d'une figure compacte (dans une huile carrée de 2010 par exemple) que contredirait presque immédiatement l'impression d'une dense pluie de signes colorés en lévitation (tracés à l'acrylique l'année d'après). Les années qui suivent le voient ajouter à ses déjà nombreux moyens la bombe aérosol, la cire ou la peinture au marqueur, chacun ouvrant à de multiples actions, à l'instar de l'aérosol dont il dévie l'usage «classique » en le perçant ou en creusant des sillons dessinant dans la couleur par la projection d'air comprimé. Affirmant « faire tenir la peinture comme une multitude de phénomènes », Ernesto Riveiro, au-delà des multiples combinaisons de ces actions, se laisse guider par leur plasticité pour les mener à l'échelle qu'elle lui dicte, mettant en crise la composition. « Certaines actions impliquent de s'occuper de petites surfaces qui fonctionnent comme des trous ou des foyers d'énergies. On le voit dans certaines toiles de Fontana, qui sont des monochromes, mais dans lesquelles une toute petite incision a une importance terrible.» L'exposition à Kerguéhennec consacrée à sa peinture récente, qu'Olivier Delavallade, le directeur du lieu, désigne comme «tohu-bohu», c'est-à-dire d'avant le récit de la Genèse autant que pré-génétique, permet sans doute de s'approcher au mieux de la tectonique picturale qui s'y fait jour. Car dans le chevauchement heurté des pans de couleur, dans la superposition des tracés ou traînées, se joue finalement une partition organique, minant l'unité du tableau mais appelant aussi un regard peut-être plus physique, qu'une vue de détail saisit bien. Dans plusieurs oeuvres de 2020, un geste de soustraction par raclage d'une couche en surface ne vient pas effacer cette dernière mais la redoubler, par l'apparition de la peinture sous-jacente. Comme si une pluralité inconciliable de peintures se mêlait. Comparant son action à celle d'un termite - qui «agit sur des territoires extrêmement petits et à un moment donné contamine tout l'immeuble » -, c'est au final des tableaux-éboulis que produit Ernesto Riveiro. « La peinture concerne le voir mais aussi l'aveuglement », confie-t-il dans un entretien avec Philippe Cyroulnik.